INTEGRAAL-concept

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Le jugement impossible

 

Comment faire la différence entre un constat (ce que l’on voit, ce qu’on lit  ou que l'on entend) et un jugement (ce qui est bien ou mal, précieux ou sans valeur) ? Je me suis posé souvent la question, comme j’imagine la plupart de ceux qui cheminent spirituellement ou cherchent simplement à évoluer. Car bien sûr en théorie nous évitons presque tous ici de juger sachant que non seulement nous serons jugés à notre tour, mais que cela maintient en place tout un monde complet basé lui-même sur le jugement (un monde de péché, de peur, de conflit et de haine.)

 

Après réflexion, j’en suis venu à la conclusion que ni le constat ni le véritable jugement n’étaient réellement possibles. En effet, un constat se veut neutre, objectif et impartial, mais cela est impossible de la part des esprits subjectifs que nous sommes (ou croyons êtres), construits sur des valeurs, des émotions, des croyances. Le même contenu sera pris comme une attaque pour les uns, et un jugement de valeur, tandis que pour les autres il s‘agira d’une information neutre. Chacun projette sur les mots une interprétation qui lui est propre, et si nous touchons - même involontairement - le point sensible d’une personne, elle peut se sentir injustement traitée.

 

De même, tout jugement réel, parfaitement équitable, est impossible de notre part, arrogants êtres humains. Sur quels critères, à partir de quelle légitimité pourrions-nous juger une situation, nos semblables ou leurs idées ? Il faudrait pour cela connaitre tout le passé et anticiper tout l’avenir de l’univers et de quiconque le parcourant, envisager tous les tenants et aboutissants… pour se rendre compte au final qu’il n’y a rien qu’il soit possible de juger ici car tout est faux, incohérent, illusoire, arbitraire pour ce que notre esprit voit (bien peu de choses en fait). Seul Dieu pourrait juger, mais il ne le fait pas, puisqu’il nous voit tous parfaitement innocents (Je ne l’affirme pas comme une vérité mais une conviction).

 

Le seul critère raisonnable que nous pourrions peut-être adopter pour nous guider est celui de notre intention sur le fond, lorsque nous parlons, écrivons ou agissons. Exprimons-nous sincèrement un fait, une opinion, un sentiment qui nous est propre sans chercher à blesser intentionnellement, pour faire avancer le débat de façon constructive ? ou juste pour le plaisir du partage ? Ou alors cherchons-nous à faire mal, à projeter notre haine sur quelqu’un pour se venger de lui ou de ses idées ? Il est important d’être lucide, conscient, attentif, et authentique. Jésus aurait dit que l’on se nourrit de ce qui sort de notre bouche, pas de ce qui y rentre. C’est tellement vrai.

 

Même sur la forme, la façon de communiquer est aussi primordiale. Dire à quelqu’un qu’il est insensé sera bien sur moins constructif que de lui dire « Tes idées ne font pas de sens pour moi ». De toute façon, chaque parole est un préjugé disait le sage. Dès que nous ouvrons la bouche, nous sommes enclins à juger, ou du moins l’ego à travers nous car lui croit cela possible. La seule chose que nous pouvons faire si nous souhaitons nous conduire de manière bienveillante, c’est demander conseil à la guidance sage et empathique de notre cœur, et tourner 7 fois la langue dans notre bouche avant de parler. Cette guidance nous demandera d’ailleurs peut-être de ne pas parler ou ne pas répondre. On peut aussi se demander : « Si j’étais le destinataire des mots que je souhaite prononcer, comment est-ce que je réagirais ? »

 

Parfois une expression malheureuse nous échappe, et nous blessons, involontairement, cela nous arrive tous. Peu importe la cause : fatigue, manque de vigilance, problème personnel… N’y ajoutons pas l’automutilation de la culpabilité. Tout est parfait d’un certain point de vue évolutif (que nous ne comprenons pas forcément sur le moment), ce qui doit arriver arrive, ce qui ne doit pas arriver n’arrive pas. Et nous ne pouvons plus rien faire pour ce qui est déjà arrivé. Peut être que la personne blessée finira par avoir une prise de conscience qu’elle n’aurait pas obtenue avec une approche trop diplomatique. Cessons de juger le jugement, le nôtre ou celui des autres, car nous ferons alors ce que nous reprochons aux autres.

 

Il n’y a pas de « bonne attitude », mais l’attitude que nous pensons bonne à un moment donné dans un contexte donné. Faire attention ? oui mais pas trop de contrôle qui tue la spontanéité et la sincérité. Souvenons-nous que l’on ne peut pas plaire à tout le monde. Beaucoup s’y efforcent pourtant à travers une répétition de vérité toutes faites et consensuelles du genre « La guerre, ce n’est pas bien, Trump est méchant, il n’y a que l’amour, le feu ça brule, l'eau ça mouille...etc ». L’authenticité, hors de la pensée unique, demande du courage et tans pis si notre interlocuteur se sent jugé alors qu’il ne l’est pas. Sa réaction lui appartient.

 

Les nouveaux moyens de « communication » (SMS, twitter, réseaux sociaux..etc), représentent un terrain propice aux malentendus de toutes sortes. Comme tout média, ils ne sont ni bon ni mauvais en eux-même, mais le sont en fonction de l'usage que nous en faisons. L’écrit étant déjà un piètre moyen de communication, il est souvent soumis ici à la vitesse, la surabondance, le superficiel, l’instantané, le raccourci trompeur, le hors contexte, à l’interprétation hâtive… bref à la non-communication et aux malentendus au final. De plus, la plupart de ses utilisateurs se contentent de relayer des infos consensuelles dont ils ne sont pas l’auteur, se dégageant ainsi de la responsabilité de leur contenu et de leur impact.

 

Par exemple, je sais que les lignes précédentes pourront être prises pour un jugement alors qu’il ne s’agit que d’un avis, mais ou se situe la limite, sinon dans l'intention ? Chacun est dans son rôle, chacun apporte sa contribution avec la manière qu’il estime appropriée. Comme le disait le regretté Ken Wapnick, dans une perspective d’éveil, il ne nous est pas demandé de ne pas juger car cela est impossible. (dans le sens d’une interprétation) Il nous est demandé d’être conscients que nous jugeons en permanence, et que nous créons ainsi un monde de perception en conséquence. Accéder à cette lucidité soutenue nous mènera plus loin que la condamnation automatique, perpétuelle et bien-pensante du jugement. Les choses auxquelles nous résistons persisteront tandis que le jugement observé et non jugé disparaitra.

 

Alainseptembre 2017



31/08/2017
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