Le Juge-ment
" C’est le choix de juger plutôt que de connaître qui te fait perdre la paix : si tu juges la réalité d’autrui, tu ne pourras pas éviter de juger la tienne." UCM
Selon l'enseignement du Cours en miracles, nous sommes nées d'un rêve de jugement, celui de l'ego croyant s'être séparé de Dieu (de sa source). En effet, quand la " minuscule idée folle" a semblé surgir au sein de la parfaite unité, elle a fabriqué la dualité, et ce fut la naissance du jugement. Celui-ci est toujours basé sur la différenciation: la comparaison, l'acceptation ou le rejet. Ainsi, toute forme perçue au sens large (idée, personne, objet) est immédiatement classée comme "utile ou inutile", "bonne ou mauvaise", "de valeur ou sans valeur", "ayant du sens ou aucun sens". Quant au prétendu jugement religieux ou moral sensé dépasser notre subjectivité, on en connait le résultat.
Il est intéressant de noter que pour le monde de l'ego qui est le notre, le mot jugement reflète lui-même cette dualité et cette ambivalence en fonction du sens employé. Il peut avoir une connotation plutôt positive: on parlera alors de faculté d'appréciation, d'évaluation, de perspicacité, de discernement, de raisonnement (avoir un "bon" jugement"). Il nous aide à croire que nous savons ce qui est le mieux pour nous, voir pour les autres. Mais le jugement comporte également un versant plus sombre et moins valorisant, axé sur la critique négative, l'opinion arbitraire le sentiment subjectif, la médisance. Ainsi, le jugement est une pièce à deux face, mais aucune n'est vraie. "La vision ou le jugement est ton choix, mais jamais les deux à la fois." UCM.
Pour l'approche non-duelle, un jugement ne peut jamais être totalement "juste", quelque soit sa subtilité. Car si quoi que ce soit est jugé " bon", cela implique automatiquement une contrepartie qui est jugée "mauvaise". La nature même de notre esprit égoique-duel fait que nous fonctionnons en mode PERCEPTION au lieu de rester dans la CONNAISSANCE, l'unité. La connaissance voit qu'il n'y a rien à juger car tout est le même. La perception, elle, est une accumulation de filtres dans notre esprit, rendant particulier, spécial et unique le monde à chacun de nous. Ainsi, tout ce qui n'est pas conforme à notre vision est évalué, donc jugé.
" Peu importe que ton jugement soit juste ou faux, dans les 2 cas, tu places ta croyance dans l’irréel, dans le fait que tu peux faire une sélection parmi la réalité." UCM.
Comme l'explique le Cours en miracles, le problème vient à la base de nous juger comme "pêcheurs" car nous croyons avoir "trahi" Dieu en nous séparant de Lui. Notre culpabilité inconsciente est à la fois énorme et insupportable. Nous avons donc accepté la stratégie de l'ego consistant à s'en "débarrasser" en la projetant sur les autres, pour les juger eux-même coupables et donc retrouver à ce prix notre fallacieuse "innocence", et un illusoire répit. Le problème est qu'il n'y a pas "d'autres" et que nous maintenons la culpabilité intacte. Nous ne faisons que continuer à nous juger nous-même. (Voir aussi l'article ultérieure qui sera dédié plus précisément à la projection).
La conséquence de cette stratégie de projection, c'est que nous ne sommes pas conscients que nous jugeons. Ainsi, chaque fois que nous nous trouvons sur la défensive à propos de quelque chose, ou expérimentons une résistance à faire ou à dire quelque chose, ou être avec quelqu'un, il y a une quelconque particularité cachée et jugement que nous ne voulons pas voir. Ainsi, nous devrions éviter de tomber dans le piège de soutenir autour de nous que nous sommes libres de tout jugement uniquement parce que nous avons étudié un Cours en miracles ou tout autre enseignement pendant des années et même des décennies.
La solution à ce problème n'est pas que nous ne devons pas juger, car cela est impossible avant d'avoir atteint un stade avancé. La solution consiste au préalable, à prendre conscience de tous nos jugements, et apprendre à être à l'aise avec eux, alors seulement nous pourrons les dépasser, avec l'aide de notre guide intérieur. Cette étape constitue la plus grande partie du "curriculum" : regarder le fait que nous jugeons tout le temps, sans pour autant se juger "coupable" pour cela (car cela renforcerait encore notre culpabilité au lieu de la diminuer.) Ce processus est très douloureux, surtout dans ses débuts car nous réalisons les montagnes de jugements que nous dissimulions derrière notre "face d'innocence"; surtout quand nous évoluons en société.
Fidèle à la radicalité non-duelle du Cours en miracle, l'enseignant Ken Wapnick est allé très loin dans la nécessité d'une thérapie de choc, au risque de choquer justement ceux qui n'étaient pas prêts à entendre, tant la résistance à la vérité est énorme. Il encourageait les étudiants à s'autoriser à avoir des jugements pour "les faire sortir du bois". Concrètement, cela peut signifier regarder le journal TV et s'autoriser des jugements définitifs sur son contenu. Cela pourrait consister également à rester totalement investi dans son point de vue, à estimer que c'est le seul valable tandis que toutes les personnes en désaccord seraient "dans l'erreur". Bien, sur la clef est de rester parfaitement conscient de ces attitudes.
En matière d'accueil du jugement, je cite Ken qui est particulièrement incisif ici (âmes sensibles s'abstenir) : "Vous feriez beaucoup mieux de commencer par la supposition que vous êtes sans cœur, cruel, une bête sadique, plutôt que de supposer que vous êtes un saint enfant de Dieu qui aime tout le monde. Vous feriez beaucoup, beaucoup mieux de commencer par l'idée que si vous êtes dans ce corps, vous êtes un meurtrier. Non seulement êtes-vous un meurtrier, mais vous avez été un meurtrier, et vous serez toujours un meurtrier, parce que vous aimez avoir raison. Vous aimez exister. Vous aimez être un corps." Evidemment le mot "meurtrier" n'est pas ici à prendre au sens littéral.
Bien sûr, cette sombre description ne concerne pas ce que nous sommes en réalité, mais seulement de ce que nous croyons être au fond de notre inconscient. C'est la croyance "source" à dépasser car nous avons peur de notre innocence, peur de perdre de notre "précieuse" individualité qui nous rend si spécial et particulier. Nous avons peur de l'amour, peur de passer une journée, ou même quelques heures sans juger quelqu'un, car c'est le jugement qui nous maintient dans notre particularité. Il s'agit donc de passer d'un cercle vicieux à un cercle vertueux. A mesure que diminue le besoin de juger, la colère et la culpabilité diminuent également, ainsi que la résistance à se souvenir de Qui nous sommes. Et davantage de paix nous encourage à accélérer encore le processus de libération.
Alain
Source: "La boussole de l'éveil"