Le silence de la pure conscience
En 2003, j’ai vécu une experience inoubliable sur laquelle je ne pouvais pas mettre de nom à l’époque, faute de concept adequat. En effet, je ne connaissais rien de la non-dualité et de la pure conscience. Difficile également de partager avec des mots une expérience intérieure très personnelle. Or, rétrospectivement, il semble bien qu’il s’agisse en même temps d’une experience universelle de l’esprit, lorsqu’il est gagné par l’espace de pure conscience, au delà de toute dualité. L’expérience que je raconte ci-dessous ne s’est pas hélas, reproduite telle quelle ensuite, Mais elle m’a incité à approfondir mes recherches sur l’esprit et l’éveil. Des évènements certes moins spectaculaires ont suivi, mais ils ont rythmé au fil des années des transformations durables et irréversibles.
Tout a commencé le dimanche 6 avril 2003 : comme les précédents dimanches, j’avais fais une longue promenade solitaire en forêt. Le printemps, bien qu’un peu frais, était exceptionnellement sec et ensoleillé, il se prêtait donc bien à ces longues escapades dominicales. Je cherchais systématiquement à sortir – au sens littéral du terme – des sentiers battus pour ressentir le frisson de la découverte au milieu des vastes forêts du jura. Cette "dé-marche" était peut-être également symbolique car depuis quelques mois, ma recherche était devenue plus pressante.
Ainsi, Il m’arrivait fréquemment d’être temporairement (et délibérément) perdu, en dehors de tout chemin, de toute balise, de tout repère humain et c’est dans ces moments de flottement que je ressentais d’étranges sensations à caractère presque mystique. Je me sentais en communion totale avec la nature, comme si elle appréciait la confiance que je lui accordais en m’abandonnant à elle. Je n’avais ni la crainte de rester perdu jusqu’à la tombée de la nuit, ni la peur de croiser un quelconque animal dangereux. En effet, connaissant suffisamment la topographie de la région que je visitais, je finissais toujours par retomber assez rapidement dans un endroit déjà connu et visité de la forêt. Au fil des semaines, je me prenais au jeu et me lançais le défi de traverser des zones inexplorées de la forêt, toujours plus éloignées de mon habitation et de mon village. L’intensité des sentiments étranges éprouvés alors allait crescendo, jusqu’à ce dimanche d’avril qui constituait en quelque sorte la crête de cette vague.
Le lendemain, j’étais assez fatigué à cause d’une journée de travail pénible et un rhume tenace, je décidais donc de me coucher assez tôt. Le sommeil vint rapidement mais il était léger et fréquemment coupé de micro-réveils. Peu avant minuit, je suis rentré alors dans une sorte de rêverie bien agréable : comme dans la réalité de la veille, je me promenais dans la forêt et sentais une présence agréable, légère, calme. Je n’étais pas franchement endormi, ni totalement réveillé, je flottais entre deux eaux.
Ce qui était remarquable, c’était le silence absolu, infini, qui accompagnait cette rêverie, un silence comme je n’en avais « jamais entendu », un silence d’une qualité bien supérieure à celui que l’on obtient, même au cœur d’un désert, même au fond d’une maison calfeutrée. Un silence indescriptible avec des mots, synonyme de paix et de sérénité absolue. Un silence ou même les atomes de matière semblaient avoir suspendu leur mouvement. Un silence « rempli de vide » Après ce premier rêve ne subsistait que ce silence sans images qui me berçait alors que j’étais un peu plus conscient dans mon lit, mais je ne pensais strictement à rien, j’étais dans la simple conscience vide de tout contenu, dans la seule contemplation de ce silence…
Au fil des heures, cet espace privilégié s’estompa progressivement tandis que je sombrais un peu plus profondément dans un sommeil « classique ». Les nuits suivantes, je n’ai hélas pas vécu à nouveau ces instants de grâce. Il est vrai que j’ai cessé mes longues promenades dominicales et la frénésie de la vie m’a rattrapé ensuite pour bien des années. De toutes façons, les chercheurs sérieux le disent: plus on cherche à reproduire ce genre d’expérience, moins elle a de chance de se reproduire. On le comprend plus facilement en étudiant les mécanismes de défense de l’ego.
Alain - novembre 2018
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