7- Introduction à la métaphysique non-duelle
Du mythe religieux à la métaphore spirituelle
Dans une perspective générale, nous pouvons définir la métaphysique comme l'ensemble des connaissances non issues de l'expérience sensible directe (perception sensorielle classique), et plus précisément comme la recherche des causes premières du monde et l'origine de l'existence. A ce sujet, une mouvance du néo-advaita nous suggère qu'il n'y a rien à faire, rien à chercher, et rien à attendre de notre mental-esprit et ses concepts puisqu'il ne représente pas ce que nous sommes. Si l'éveil doit arriver, il arrive, s'il ne doit pas arriver, il ne le fait pas. C'est simple, voir simpliste. Cette approche est plutôt déprimante en postulant notre absence totale de pouvoir de décision. Elle encourage une forme de passivité anesthésiante et laisse à penser qu'il y aurait des "élus" éveillés avant les autres grâce à un simple jeu de loterie. En outre, elle ne propose aucune tentative d'explication sur le pourquoi et le comment du monde, et sur la nature des processus psychologiques en jeux dans notre esprit.
Or, comme nous l'avons déjà vu, la pratique de la non-dualité, au moins au départ et dans notre état de conscience actuel, ne peut se passer de concepts, car toute pratique requiert l'utilisation de notre esprit, qui est lui-même concept (je développerais davantage avec l'article sur l'ego) Alors ne peut-on pas les utiliser, non seulement pour pointer vers la vérité (abstraite et non conceptuelle), mais aussi pour comprendre pourquoi nous nous sommes “endormis”, et donc peut-être obtenir des clefs afin de nous éveiller plus vite, plus facilement ? Les mythes et paraboles expliquant l'origine du monde et de la condition humaine sont-ils tous inutiles ? Cela ne dépend-t-il pas de l'interprétation que nous en faisons ? Il ne faut pas oublier que le but des récits symboliques est de s'adresser à une partie de notre esprit qui “comprend” sans que nous en ayons forcément conscience.
Prenons comme exemple le récit originel de la génèse selon la bible : Après avoir crée le monde en six jours, Dieu forme ADAM, le premier "homme", à partir de poussière. Celui-ci vit dans le jardin d'Eden en cultivant la terre et en mangeant les fruits qui s'y trouvent, à l'exception du fruit défendu qui pousse sur l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Puis voyant qu'Adam se sent seul malgré qu'il soit entouré d'animaux, il façonne EVE à partir de l'une de ses côtes, après l'avoir plongé dans un profond sommeil. C'est la première polarité/dualité sexuelle. Il s'ensuit l'épisode de la tentation par le serpent: Malgré l'interdiction, Adam et Eve mangent le fruit défendu qui est sensé les rendre semblables à Dieu en leur "ouvrant les yeux". C'est le fameux péché originel qui entraine la chute de l'humanité. Adam et Eve sont alors condamnés à travailler, enfanter dans la douleur, et devenir mortels.
Naturellement, (com)prise littéralement, une telle histoire ne convaincrait pas un enfant de cinq ans. Mais si l'on prend du recul, de multiples interprétations s'offrent à nous en fonction de la signification que l'on donne à chacun des symboles qui composent cette histoire. Il est tout à fait possible de rejeter ce que la religion catholique a fait de ce récit, sans jeter le bébé avec l'eau du bain. Comme nous allons le voir à présent, un enseignement non-duel tel qu'un Cours en Miracles propose une autre version. Celle-ci est difficile à entendre, non parce qu'elle est illogique ou farfelue, mais simplement parce que les dogmes de la bible se sont cristallisés dans notre inconscient collectif au fil des siècles. Nous préférons alors écouter (voir croire) une histoire à dormir debout qui nous est familière plutôt qu'une approche plus cohérente et plus subtile qui dérange notre confort d'esprit et nos croyances.
La métaphore proposée par un Cours en miracles nous enseigne donc qu’au départ (ou plutot hors du temps, avant le temps) Dieu est tout ce qui EST. Dieu est la première cause, et la seule. Il a créé son unique fils, qui est l’effet : “la Filialité”. Ils cohabitent en parfaite harmonie et sont à jamais inséparables. La filialité crée, “s'augmente” à la manière de Dieu, en s’étendant continuellement, en Esprit (pas de façon spatiale). Disons-le; la « création » au Ciel est incompréhensible de notre point de vue et n’a pas le même sens que celui donné dans ce monde, ou nous “ faisons des choses”. Notre mental et notre langage excessivement limités peuvent-il décrire ce qui est illimité, infini, au-delà de l’espace et du temps, hors de toute perception et de toute conscience ? Il s'agit d' une expérience que chacun vivra le moment venu. Mais si l'unité de Dieu est inaltérable, qu'est-il donc arrivé au ciel pour en arriver à notre condition actuelle ?
Toujours selon un Cours en miracles, une partie de l’esprit du fils de Dieu s’est assoupi et une idée insensée lui a traversé l’esprit pendant son rêve : « Est-il possible d’avoir plus que tout ? Est-il possible d’obtenir l’amour de Dieu de façon particulière ? Est-il possible d’exister à part de Lui, dans une identité distincte, de façon indépendante, différente et autonome ? ». Une partie de la Filialité (le fils de Dieu) a « succombé » en ne réalisant pas immédiatement l’impossibilité de cette idée. En effet, Il est impossible de rompre la continuité de Dieu et de son fils, mais il est possible de rompre la communication au sein d’un rêve. Dans ce rêve, le fils de Dieu semble disposer de pouvoirs « spéciaux » sous la forme d’une volonté particulière à part de celle de son Père. Cette idée folle prise au sérieux a semblé nous (Filialité) propulser immédiatement hors du pur esprit de Dieu, lequel ne peut concevoir autre chose que la parfaite unité. Il s’en suivra un rêve toujours plus profond et obscure de séparation et de fragmentation dans les différents niveaux de la dualité, de la forme et de la matière.
Une fois quelques similitudes reconnues avec la genèse, Il n'échappera à personne que cette approche est plus directe et bien différente. Par exemple, "ouvrir les yeux" pour la bible (voir comme Dieu) équivaut en non-dualité à régresser dans la "perception", qui est clairement du domaine de la dualité contrairement à la "connaissance" au sens non-duel. Mais surtout elle diffère de façon fondamentale de l'approche religieuse sur au moins deux points: D'abord, il n'est pas question ici de péché, mais d'erreur, voir "d'expérimentation". Ensuite, la séparation d'avec notre source (ou Adam et Eve de Dieu) ne s'est pas réellement produite et nous sommes encore dans le “jardin d'Eden”, simplement assoupis en train de faire un mauvais rêve ; Celui de la séparation, de la dualité, de la matière. La "rédemption" catholique consiste donc à "expier" ses "péchés" (pour avoir mordu la pomme) afin de retourner au "ciel." La réalisation non-duelle quant à elle consiste à pardonner une erreur collective de perception pour s'éveiller à notre réalité unifiée demeurée intacte.
Il ne s'agit pas seulement de "nuances", mais de gouffres métaphysiques qui devraient nous convaincre que la non-dualité transcendante (ici dans cet article, celle d'un Cours en miracles) n'a pas le moindre rapport avec toute forme de religion telle qu'elle existe sur terre. Le seul point de jonction est l’élément de langage “DIEU”, sauf qu'il n'a pas le même sens. L'un dispense un amour capricieux et conditionnel, il est souvent vu courroucé et vengeur, il persécute nos âmes en attente du jugement dernier, tandis que l'autre est tout amour (et que cela) et attend le retour de son fils prodigue (la Filialité, autrement dit NOUS) pour l'étreindre dans l'éternité de sa demeure. Il n'a même pas besoin de s'appeler Dieu, terme piège sujet à toutes les projections de peur, mais il pourrait simplement se nommer "source première de toute vie", ce qui sied mieux aux athées. Tout ces thèmes cruciaux seront bien sûr développés dans d'autres articles (connaissance vs perception, erreur vs péché, pardon chrétien vs pardon non-duel.. etc)
Alain
Février 2017
A découvrir aussi
- 4- Le concept de dualité dirige le monde
- 5- Introduction au concept de non dualité
- 2- L’approche PNL au service de la philosophie non-duelle